Feel the music [Lou]

Une nouvelle grosse soirée allait bientôt avoir lieu au piano bar pour Noël et évidemment c’était l’effervescence partout. Avec Maia nous étions venu ce soir uniquement pour boire un verre et passer du bon temps, mais rapidement on me demandait si pour la fameuse soirée j’étais disponible pour faire un 4 mains avec Lou. En soit l’idée de faire de la musique avec quelqu’un ne me dérangeait pas. Il fallait juste que je m’entraîne avec la personne. Sauf que j’avais déjà eu l’occasion de croiser Lou plusieurs fois, on avait bossé ensemble régulièrement. Soit elle m’aidé à répéter, me faisant remarquer mes erreurs d’accords, et inversement. Le seul problème c’était que Lou n’était pas la personne la plus fiable du monde. On avait déjà eu l’occasion de faire un quatre mains et je me souviens très bien qu’elle avait complètement zappé les répétitions. Parce que mine de rien ce n’était pas un exercice facile, il fallait qu’on arrive à se coordonner, se mettre d’accord sur nos parties et ainsi de suite. Même si Lou était une personne très sympathique et qu’il était agréable de la côtoyer, travailler avec elle ne m’enchantait pas plus que cela. Pourtant je prenais sur moi et j’abandonnais Maia quelques instants pour demander à Lou de venir demain dans la matinée pour qu’on puisse répéter au calme. Après avoir eu sa confirmation qu’elle serait bien là, je retournais passer ma soirée avec Maia.

Le lendemain, j’arrivais en avance au piano bar, je voulais juste pouvoir jouer tout seul de mon côté pendant un petit moment. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vraiment eu l’occasion de jouer. Depuis mes retrouvailles avec Maia, je passais beaucoup plus de temps avec elle qu’à faire autre chose. Ce n’était pas bien, j’en avais conscience, mais personnellement je le vivais très bien. Je laissais la mélodie envahir le bar et je me laissais porter par le piano. J’étais dans mon monde, j’étais bien et je ne faisais absolument pas attention à ce qui m’entourait. Si dans un premier temps j’avais joué un air connu, bien vite j’en étais venu à improviser. Je n’entendais pas la porte s’ouvrir sur Lou et je continuais sur ma lancée. Ce n’était qu’une fois qu’elle était dans mon champs de vision que je m’arrêtais. « Pardon je t’ai pas entendu arrivé » J’espérais qu’elle n’avait pas attendu trop longtemps. « Et bonjour également » Aujourd’hui de toute évidence je faisais les choses à l’envers.  « Tu vas bien ? » Cela faisait un moment qu’on avait pas réellement eu l’occasion de parler, c’était le moment de prendre des nouvelles.

Devoir jouer en duo avec Lou n’était pas ce qui me plaisait le plus, mais si c’était ce que voulais le patron, je ne pouvais pas faire grand-chose à part accepter. J’étais venu les mains vides, je m’avais absolument rien préparé, ni réfléchis à des musiques que l’on pourrait faire ensemble, mais ce n’était pas grave. J’arrivais en avance au piano-bar pour pouvoir jouer. J’avais besoin de ce petit moment avec moi-même avant de pouvoir tester ma patience avec Lou. Parce que j’étais persuadé que si ça allait bien se passer, ça ne serait pas forcément une partie de plaisir. J’étais tellement concentré dans ma musique, dans les notes que je jouais que je ne faisais pas attention à l’arrivée de Lou et elle me rassurait bien vite en disant que ce n’était pas grave. « Oui un peu comme d’habitude » Je l’attaquais d’entrée de jeu, et je levais les mains en signe de paix, un sourire aux lèvres. « Pardon, c’est sorti tout seul, sûrement une habitude » Je la regardais enlever sa veste et tout faire tomber au sol. Je levais les yeux au ciel, sans pour autant faire le moindre geste pour l’aider et au passage je lui disais quand même bonjour et m’inquiétais de savoir si elle allait bien. De toute évidence oui. « Oui j’étais pas prêt à ça » Jouer avec Lou n’était pas désagréable loin de là, c’était juste que par moment nos caractères n’étaient pas compatible. Elle me retournait la question et mentionnait Maia. « Oui très bonne compagnie même. C’est ma petite amie » A dire petite amie j’avais l’impression d’être un ado-prépubère, mais en même temps je ne pouvais pas dire autre chose. Elle n’était pas ma concubine, ni ma fiancée et encore moins ma femme. Un jour peut-être, mais pour l’instant on profitait tranquillement de nos retrouvailles.
Je regardais Lou fouiller dans son immense sac et en sortir un tas de papier. J’imaginais que c’était des partitions, elle avait pris ça vraiment très au sérieux comparé à moi.   « Non je te confirme que jouer deux fois la même chose dans une soirée c’est pas mon truc non plus » On était pas dans un ascenseur pour faire musique d’ambiance. Les gens venaient pour nous écouter, ils fallait pouvoir leur faire plaisir. « T’as pris ça très au sérieux. Rassure moi, la chanson de Maria Carey ne fait pas partie de ta sélection ? » Même si je me doutais qu’on aurait pas d’autre choix que d’y passer pour une ambiance très Noël. « Enfin je devrais pas me plaindre alors que je suis venue les mains vides » J’étais là, c’était déjà un bon début. « Tu as du temps devant toi, ou tu es pressée ? » Parce que si on était là que pour 1h, on allait pas pouvoir faire grand-chose, juste le temps de voir la liste qu’elle avait préparée.

Je ne dirais pas que faire un quatre main avec Lou était désagréable, mais quand le patron nous l’avez proposé, je n’étais absolument pas prêt à cela. Je ne pensais pas que la fois où on l’avait fait ça avait tellement plu au point de vouloir recommencer pour Noël. Seulement même si je n’avais pas à me plaindre avec mon boulot, je ne crachais jamais sur un petit cachet supplémentaire pour mettre de côté à la fin du mois. Comme le faisais remarquer Lou, j’étais un petit veinard d’être avec Maia et depuis qu’on était à nouveau ensemble, je faisais plus de plan sur la comète dans ma tête et je mettais justement de côté en prévision de ces plans. Peut-être un mariage, un bébé ou tout simplement un voyage. Dans tous les cas ça ne serait pas de l’argent perdu.
L’avantage de travailler avec Lou – oui il y en avait quelques-uns quand même – c’était de savoir qu’on était sur la même longueur d’onde. Jouer toujours en boucle les même musiques ce n’était pas pour nous. Et surtout j’étais impressionné de voir à quel point Lou avait bien bosser en ramenant les partitions même si malheureusement la chanson de Maria Carey était dans le lot, la petite pique sur mon sérieux c’était gratuit également. « Je n’ai peut-être pas travailler en amont comme toi, mais je le prends au sérieux aussi » Je n’avais juste pas eu le temps avec le boulot et elle pouvait s’estimer heureuse que je prenne sur mon temps libre pour venir ici. « La musique c’est juste du beurre sur les épinards pour moi, je sais que pour toi c’est plus important, mais tu peux compter sur moi, je ferais pas tout foiré » Parce que je n’étais pas un trou du cul qui s’en foutait des autres. Si cette soirée était importante pour Lou et pour payer son loyer, alors j’allais simplement faire ce qu’on attendait de moi. Je prenais les partitions des mains de Lou, les regardant une à une. Que du classique et quelques ajouts de la part de la jeune femme. « Je te remercie Lou » C’était effectivement la moindre des choses. La liste était plutôt sympa si on ne comptait pas Maria Carey, cela allait être une soirée sympathique. Je demandais à Lou si elle avait également du temps devant elle pour bosser sur les chansons et j’étais content de savoir que oui. « Oui j’ai pris ma journée exprès » Ce qui n’avait pas vraiment poser de problèmes pour mon chef. De manière générale il était plutôt facile à convaincre pour me donner des journées. « Tu veux commencer par quoi ? On découpe les morceaux pour savoir qui joue quelle partie et celles qu’on fait ensemble ? » Le moindre tempo d’avance par rapport à l’autre et alors toute l’harmonie du morceau était fichue. « Ou alors tu veux déjà qu’on révise vite fait les musiques ? » Certaines je ne les avais pas jouer depuis des lustres, d’autres que je ne connaissais pas, alors peut-être qu’un petit tour d’échauffement ne serait pas de trop. Heureusement que je savais lire la musique d’ailleurs, sinon nous aurions été embêtés. « J’ai décidé d’être sympa aujourd’hui et de plus ou moins suivre tes directives. Je suis même prêt à accepter plusieurs jours de répétitions » Parce que même si on avait le droit à l’erreur c’était mieux si on en faisait pas.

Si jouait au piano bar n’était qu’un passe-temps agréable pour moi, je savais que pour Lou c’était bien plus que ça, alors je comptais bien faire en sorte de faire ma part du boulot et d’être plus ou moins agréable avec elle. Je poussais le vice en lui disant qu’aujourd’hui je serais même sympa avec elle et que j’accepterais ses directives. De toute évidence elle ne s’attendait pas vraiment à cela et sa réaction me faisait rire. Je l’écoutais, tout en captant que pas une seule fois elle n’avait réellement dit mon prénom. J’étais passé de Marty à Marlon. Au moins on pouvait dire que les deux commençait par les même lettres que mon prénom « Tu crois que je vais être obligé de mettre un badge avec mon prénom dessus pour que tu le retiennes ? » Si y’avait que ça pour lui faire plaisir, ce n’était pas un problème, j’en avais des tonnes au boulot des badges comme ça. « Je te l’accorde la première syllabe et la bonne et après MAR, il faut dire TIN, MAR-TIN. » J’articulais bien et répété plusieurs mon prénom en marquant bien les syllabes. « Ca va aller ou tu veux que je te l’écrive quand même ? » Je pourrais presque m’inquiéter pour sa santé mentale. « En plus Marlon et Marty c’est très moche » Mais après j’imaginais que cela faisait partie de ses goûts douteux pour la vie « Et ne me sous-estime pas trop non plus. Je suis peut-être pas un professionnel, mais je suis pas un débutant non plus, je peux suivre ton rythme » Même si je savais qu’elle avait beaucoup de talent que moi. Chose qu’évidemment je ne lui dirais jamais ouvertement. Cependant on se mettait d’accord sur la façon de procéder. Du moins j’étais d’accord avec la façon dont Lou voulait faire les choses. Cela me semblait cohérent. « Oui je pense que c’est plus simple si on commence pas ceux qu’on connait. On travaillera plus efficacement et comme ça on pourra vraiment se concentrer sur les autres » Je sortais mon téléphone et je l’agitais tout fièrement devant elle. « Oui Madame j’ai internet dessus, mais attention c’est pas pour que tu regardes du porno dessus » Ni qu’elle télécharge je ne savais quelle application de rencontre pour s’amuser et qui pourrait me mettre dans la panade avec Maia.
Pendant presque 3h avec Lou on arrêtait pas, on découpait les morceaux, vérifiant si tout fonctionnait bien, quand on était pas satisfait on rectifiait le tir, on faisait des ajustements et je prenais ses conseils très au sérieux. Travailler avec elle c’était vraiment très agréable, elle était vraiment dans son élément et elle m’impressionner, si bien que je me prenais au jeu, et je ne regardais pas une seule fois mon téléphone, si ce n’était pour vérifier des choses sur les partitions ou la tonalité de certaines notes et c’était finalement Lou qui demandait à faire une pause. Et je n’allais certainement pas dire non à un petit moment de répit. Je me levais du piano faisant craquer mon dos et mes épaules, pour ressentir un soulagement immédiat et acceptant le coca qu’elle me tendait. « Honnêtement ? Je pensais pas que ça se passerait aussi bien » Même si on l’avait déjà fait une fois de jouer ensemble, jamais on avait pris autant de temps pour construire quelque chose de vraiment bien. « Et je trouve qu’on se débrouille pas mal. Enfin tu fais le plus gros du taff et moi je suis, mais du coup ça fonctionne bien aussi comme ça » Je ne savais pas combien de partition on avait déjà travaillé aujourd’hui, mais je pense qu’on pouvait se sentir plutôt fier de nous. « J’espère juste qu’on aura pas à se déguiser en lutin du Père Noël ce jour-là ». Je voulais bien faire un effort et mettre un bonnet, mais cela s’arrêtait là.

Lou avait des grandes difficultés à retenir mon prénom, qui pourtant était très simple pour le commun des mortels. Alors je le répétais autant de voir que nécessaire, je proposais aussi de porter un badge mais elle déclinait également la proposition, préférant m’attaquer sur ma maîtrise du piano. Je n’avais pas son talent, j’en avais conscience, mais j’étais plutôt à l’aise et il lui faudrait quand même beaucoup pour me laisser complètement à la traîne. En attendant on se mettait d’accord sur une manière de travailler et elle avait de la chance, j’avais mon téléphone avec moi qui pouvait nous aider pour cela, mais avec interdiction d’aller sur des sites porno et sa façon de s’insurger me faisait beaucoup rire. « C’est une précision que je fais avec mon frère, alors je préfère la faire avec toi aussi par sécurité » Parce que je ne voulais pas recevoir des messages chelou, ni que Maia se pose des questions sur le fait que j’aille sur ce genre de site.
Cette mise au point effectué, avec Lou on commençait à travailler en douceur et surtout avec sérieux et efficacité. Je ne m’attendais tellement pas à celui de notre part. C’était dingue. Au point qu’on ne voyait pas le temps passer et c’était Lou la première qui réclamait une pause et je devais avouer que je n’étais pas mécontent. Maintenant que je me redressais je me rendais compte à quel point mon corps était raide. En allant la rejoindre au niveau du bar je faisais craquer tout ce qui pouvait craquer et je la remerciait pour le coca tout en avouant que je ne pensais pas que ça se passerait aussi bien. De toute évidence elle non plus ne s’y attendait pas. « Je ne vais pas relever le fait que je t’impressionnes, mais oui j’espère aussi que ce bocal se remplira vite » Même si je n’avais pas besoin d’argent de poche, mon frère oui et mes projets aussi. Donc je ne crachais jamais sur de l’argent supplémentaire. La seule inquiétude que j’avais, c’était le déguisement qu’on pourrait nous imposer. « Alors j’ose espérer que le déguisement sera fourni par le patron » Parce que je n’avais pas non plus de déguisement de lutin ou père noël chez moi. Les déguisements ce n’était pas forcément pour truc. Je pensais que le silence allait s’installer entre nous jusqu’à ce qu’on reprenne les répétitions, ou alors qu’on se dise tout simplement au revoir, mais elle me surprenait avec sa question. « Oula, venant de ta part, je vais presque penser que c’est une tentative de drague de ta part cette question » Je savais qu’elle allait répliquer quelque chose de piquant, mais j’étais prêt à cela. « Mais pour te répondre, je suis pharmacien » Les problèmes des petits vieux n’avaient plus aucuns secrets pour moi, mais heureusement ce n’était pas que cela. « Et toi ? La musique c’est du temps plein ? Ou alors t’as autre chose ? Plusieurs boulot peut-être même ? » Elle avait fait comprendre plus d’une fois à quel point elle avait besoin de fric, donc je ne serais pas étonné qu’elle enchaîne plusieurs petits boulots.