we are the beautiful ones (Åke)

@Åke Erling

Quand elle est aux platines, June remarque à peine le monde qui l’entoure. Il n’y a que la musique qui compte, rien d’autre. La jeune femme ne redescend sur terre que lorsqu’elle doit céder sa place à son collègue et le retour à la réalité lui parait toujours brutal. Il y a elle, et il y a les autres. Sa sobriété accentue toujours cette impression d’évoluer dans un monde qui n’est bizarrement pas le sien. June essaye tant bien que mal de braver la foule pour rejoindre le bar où elle compte déguster son éternel coca-cola bien frais. Elle est bousculée et secouée dans tous les sens, littéralement écrasée par toute cette euphorie. Ce n’est pas sa force de moineau qui va l’aider à se sortir de là. June avance lentement en repoussant tous ceux qui l’approchent d’un peu trop près. Le bar ne lui a jamais semblé aussi loin. Sa progression se stoppe nette alors qu’un groupe de femmes s’agite. June rentre la tête dans les épaules et recule de quelques pas. A en juger par leurs grands gestes et les éclats de voix que la musique n’arrive pas à couvrir, il ne s’agit pas d’une discussion amicale. Les yeux de June s’arrondissent comme des billes. La première gifle part et marque le début d’un crêpage de chignon un peu trop violent au goût de la blonde. Dans cette bataille qui n’est même pas la sienne, elle se prend elle aussi un coup et un verre de bière. Un cri lui échappe. Le vigile débarque une poignée de secondes plus tard pour séparer les deux femmes et les jeter dehors par la même occasion. June profite de l’intervention pour s’échapper et se réfugier derrière le bar. Ses collègues volent littéralement à son secours. Elle les rassure du mieux qu’elle peut : hormis son haut imbibé de bière, elle s’en sort indemne. « Bon, dans ce cas, ça te dérange d’apporter ça à Åke ? » Un sourire étire les lèvres de June. Ils ne perdent pas le nord. « D’accord, mais j’attends aussi mon coca. » Aussitôt demandé, aussi servi.
Un main dans chaque verre, June avance prudemment dans la boite de nuit. Si elle pouvait cette fois éviter d'être impliquée dans une baston, elle en serait ravie. June rejoint les vestiaires, où les deux femmes qui se battaient un peu plus tôt attendent de récupérer leurs affaires. Le vigile les surveille de près, alors qu'elles continuent de s'insulter comme si elles étaient seules au monde. June attend patiemment qu'elles partent avant de s'approcher d'Åke. « J'ai jamais été autant effrayée par la gente féminine, » lâche June en faisant glisser un verre vers le suédois. « En tout cas, monsieur est servi. » June prend ses aises et grimpe sur le comptoir. Enfin, elle savoure sa boisson et pousse un soupir de satisfaction. « Comment se passe ta soirée ? Mieux que la mienne, j'espère ? J'ai l'impression que les gens sont fous aujourd'hui. » Ou peut-être qu'ils le sont toujours mais pour une sombre raison, June ne le remarque jamais.

@june hastings

« Qu'est-ce qu'on s'emmerde », remarquait-il seulement cinq minutes plus tôt, occupé à partager les détails inintéressants de sa soirée avec Eliott par le biais de textos infinis. Åke, il a le sens du timing, parce qu'il ne faut pas plus longtemps que son dernier "come get me out of hereee" pour que quelque chose dans l'air change drastiquement. Jusque là, la musique de June (sa seule source de distraction mais dont il ne voit rien depuis son poste) emplissait le club et tous semblaient convaincus, au point qu'aucun videur n'ait traîné personne vers la sortie depuis le début de la soirée (ce qui aurait eu le mérite de le divertir, mais soit). D'un coup, des cris, et, lorsqu'il se penche par-dessus le bureau le séparant des fêtards, il lui semble discerner une bousculade à proximité du bar. Ce n'est pas exactement l'activité pour laquelle il priait, mais c'est quelque chose, et il ne manque pas de transmettre le scoop à son mari (qui, il en est sûr, n'attend que les détails de son passionnant récit). Il ne manque pas une miette de la scène, malgré sa position lointaine, et pour le moins inconfortable. A vrai dire, il croit bien que personne ne peut ignorer la confrontation, une gifle fuse et claque si fort qu'il parvient presque à l'entendre. Il n'a pas de mal à en imaginer le son, cela dit, et ce n'est que le premier de plusieurs coups qui lui feraient presque apprécier d'être bien tranquille à distance de la foule, malgré la solitude de son poste ce soir. Les vigiles passent finalement devant lui pour séparer les impliquées et le calme semble bien de retour. Pour lui, cela signifie se caler sur son siège entre deux manteaux et reprendre son récit là où la gifle l'avait interrompu. Pas de réponse alarmée de son compagnon, cela dit, mais ça ne l'empêche pas d'entamer la rédaction d'un véritable pavé.
Il est finalement interrompu par un nouveau passage devant son poste, les vigiles ayant escorté les troubles fête jusqu'à lui afin qu'elles récupèrent leurs affaires. Il n'est pas certain de ne pas leur avoir fait les poches, fait la grimace à l'idée qu'on ne revienne pour cette fois le gifler lui s'il manque quelque chose, mais parvient à garder son sérieux le temps de rendre sacs et vestes aux jeunes femmes avec un « bonne fin de soirée » à peine malvenu, auquel il n'obtient pas de réponse. Son sourire ne le quitte cependant pas, surtout pas alors que June entre dans son champ de vision. « Ooh, vous cachez bien votre jeu parfois, mais j'ai toujours eu peur de vous », affirme-t-il, secouant la tête. « Merci », qu'il ajoute sans tarder quand elle lui fait glisser sa boisson, demandée bien avant tout ce remue-ménage. Il s'accoude au comptoir tandis qu'elle s'y hisse pour s'asseoir, et hausse les épaules quant au déroulement de sa soirée. « Sans rebondissement, en tout cas avant... tout ça. » Ce n'est que quand elle mentionne sa mauvaise soirée à elle qu'il remarque l'état de son haut et fronce les sourcils en en pinçant un pan entre deux de ses doigts. « T'as été prise dans la bagarre ? » C'était déjà impressionnant à distance, il veut bien croire que la folie semble la meilleure explication depuis l'intérieur. « Tu sais ce qu'il s'est passé ? » Il jette un coup d'œil en direction de la porte par laquelle ont été sorties les bagarreuses pour vérifier qu'elles ne sont plus là pour les entendre.

@Åke Reagan-Erling

Se retrouver au milieu d’un crêpage de chignons ne faisait pas vraiment partie des plans de June pour la soirée. Elle mentirait si elle prétendait ne pas avoir eu peur pour sa personne. La jeune femme n’aime pas la violence et est persuadée qu’elle ne possède aucun mécanisme de défense. June s’estime heureuse d’en sortir vivante, après avoir reçu un coup dans l’épaule qui ne semble pas l’avoir blessée pour autant et un verre de bière. Elle s’estime également heureuse d’avoir été secourue par le vigile. Une minute de plus entre ces deux femmes, et June se serait retrouvée encastrée dans un mur à coup sûr. La violence dont elles font preuve dépasse l’entendement. June a assisté à de nombreuses bagarres, mais aucune ne l’a jamais vraiment effrayée à ce point. Peut-être parce qu’elle n’a jamais été au cœur de l’action, contrairement à ce soir. Elle ne se sent en sécurité que lorsque les deux guerrières sont plus ou moins gentiment poussées vers la sortie. Le danger s’éloigne et elle peut approcher les vestiaires sans craindre d’être réduite en bouillie. Åke semble bien moins perturbé par la situation qu’elle. A vrai dire, il a l’air de s’en amuser. Une réaction qui n’étonne pas vraiment June. Bien qu’elle soit la première à attaquer la gente féminine, la jeune femme s’offusque du commentaire d’Åke. « Parce que vous ne cachez jamais votre jeu vous, peut-être ? » La question est générale, pas vraiment axée sur la violence en particulier. Et peut-être que June fait allusion à ses relations passées, trop souvent soldées par des déceptions parce qu’elle n’a justement jamais vu clair dans le jeu de ses exs. Elle secoue la tête, puis lui livre sa boisson pour laquelle il la remercie. Discuter avec le suédois en fin de soirée est devenue l’une des habitudes préférées de June. Ils partagent les meilleurs potins de la soirée, un peu comme un débriefing. Leur soirée actuelle n’avait rien de palpitant jusqu’à la fameuse altercation entre les deux femmes folles de rage. « Plus ou moins, j’allais tranquillement vers le bar après mon set et PAF ! » June tape dans ses mains pour imiter la collision entre sa propre personne et les dames en furies. « Elles ont surgi de nulle part et j’ai rien vu venir. » Si elle avait pu esquiver cette bataille, June l’aurait fait avec grand plaisir. En choisissant une trajectoire différente par exemple, ou en fuyant. La nature de cette dispute reste inconnue. « Pas vraiment, j’avais espoir que toi tu aies plus d’infos. Je suis un peu déçue. » June attrape son verre de coca pour en boire une longue gorgée, tout en essayant d’imaginer ce qui a poussé deux femmes à se battre avec autant d’ardeur. « Mais je pense que c’était à cause d’un mec, c’est souvent à cause d’un mec que les femmes se battent et si tu veux mon avis je trouve ça très triste. Ou alors l’une à découvert que l’autre lui avait piqué son sac à main. Ou alors elles avaient la même couleur de vernis et ça leur a paru inacceptable. » Toutes ces suppositions sont improbables, à part la première. Elle laisse échapper un petit rire amusé. « Je devrais avoir honte de les tacler comme ça alors qu’elles avaient peut-être une raison valable de se battre. À force de travailler ici, on s’habitue à tout et n’importe quoi. » Surtout à n’importe quoi, d’ailleurs. « Comment tu vas toi, sinon ? » demande June en posant son regard sur le principal concerné.