erlinn/ some legends are told

Le pas est léger, presque sautillant — à mi-chemin entre la course et le saut, le pas de danse et l’envie de paraître calme. C’est qu’Eliott, il ne devrait pas être aussi excité. Going house haunting n’a rien d’une grande aventure, en soi, d’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’il s’y adonne. Ca a pourtant une saveur nouvelle, cette fois-ci, et ça a probablement tout à voir avec la présence de l’homme à ses côtés, de l’alliance à son doigt —ce n’est pas juste un toit au-dessus de sa tête qu’il cherche, c’est un foyer où bâtir son avenir, celui qu’il construit petit à petit avec Åke et cette simple idée suffit à le combler, l’émerveiller, le booster. Parce que ce mariage, bien que pas planifié, très précipité, il roule et se déroule à merveille et il ne pourrait en être plus heureux, Eliott. Le quotidien pimenté par les habitudes extravagantes de son mari, ses angoisses plus souvent rassurées que provoquées. Il a l’impression qu’Åke est un élément qui manquait à son existence pour venir l’équilibrer — ce petit quelque chose de plus qui lui rappelle de respirer quand il oublie de le faire (trop souvent), de s’amuser, de prendre la vie du côté le moins stressant. La boule de fraîcheur et de bien-être qu’il lui fallait, cette perle de douceur pour venir prendre soin de son coeur et l’alléger d’un poids.
Un allègement qui se fait sentir à sa façon d’avancer à présent, les doigts tenant ceux de son mari un peu lâchement parce qu’il a quelques pas d’avance.
Et peut-être qu’il espère trop, Eliott. Qu’il s’est persuadé que ce premier appartement sera le bon, directement, celui qui leur conviendra, prix, agencement, and all, qu’ils partageront un même coup de coeur (après tout, ils l’ont déjà eu, le coup de coeur partagé l’un pour l’autre) et qu’ils n’auront plus qu’à annuler les visites suivantes, les autres appartements à sonder dans tous les angles parce qu’il n’y en aurait soudainement plus besoin. Il se voit déjà acheter les meubles (ou les récupérer ici et là, connaissant Åke, plutôt), inviter leurs mères respectives à partager un repas pour leur montrer leur chez-eux et il a le coeur qui se gonfle de joie, de fierté et d’excitation. Il voit déjà leur vie à deux, non plus quelques nuits passées ici ou là, mais bien l’ensemble, tout leur avenir qui n’aura plus qu’à être rédigé au fil des jours et des envies et des humeurs. Peut-être même qu’ils adopteront un poisson rouge, pourquoi pas, ça leur sera possible, s’ils ont un véritable toit à se partager, un lieu unique pour ne pas perturber l’animal. « What’s the name of the flat lady again? » L’information est notée quelque part sur son téléphone — avec toutes les autres informations recherchées dans l’espoir qu’elle choisisse leur dossier plutôt qu’un autre (il a demandé quelques tips à Rom, Eliott, pour venir préparé). « Can you imagine? Maybe we’ll have our place in a few weeks. Imagine being able to go around naked without the fear of one my flatmate walking on us. » Non pas que ce soit un rêve ultime que celui de pouvoir se balader nu chez lui — mais à force d’oublier serviette et sous-vêtements dans sa chambre quand il va se doucher et de devoir courir pour aller récupérer l’un ou l’autre, il en a peut-être un peu trop pris l’habitude, Eliott.
Et surtout, il ne serait pas contre de voir Åke se promener nu d’une pièce à l’autre.
« Or just hanging posters you know? » Ca, par contre, il en a des tas, dans des cadres ou non, de quoi décorer intégralement leur futur appartement et sans doute aussi le couloir de leur étage. « Oh, there it is. 117C. » Il s’arrête brutalement, louche sur l’interphone jusqu’à trouver le nom de la propriétaire et il appuie, se tourne vers Åke le temps que quelqu’un ne réponde et ne leur ouvre pour l’embrasser. « I’m so happy we’re going this. I mean, I know you can tell I am happy, but, you know. I’m real happy. Not that I was trying to put pressure on you, uh? Really, I had barely thought about it before, I mean of course I had thought about it when we got married but, you know, it was fine as it was. Now, I think, yeah, it’s kinda great that we’re moving forward. » Petit haussement d’épaules et il pousse la porte de l’immeuble. « Third floor, right? »