Le contexte

Mensonge
Nom masculin
(1) Action de mentir, de déguiser, d'altérer la vérité.
(2) Assertion contraire à la vérité.
(3) Ce qui est faux, illusoire, trompeur.

Charles rentre chez lui après une longue journée de travail. Comme d’habitude, il remonte l’allée jusqu’à la grande porte d’entrée, l’ouvre en s’annonçant dans la foulée, dépose son trousseau de clé sur le seul meuble qui habite le hall, sa malle au pied de celui-ci, puis part à la recherche de sa femme. Sans surprise, il la retrouve dans le salon. En voyant son mari arrivé, elle dépose son livre sur la table basse et lui accorde un peu de son attention. Charles se penche pour l’embrasser, geste habituel qu’il fait de manière machinale depuis quelques temps. Sa femme lui demande comment s’est passé la journée, il répond que tout s’est bien passé. Il a ce sourire d’homme heureux inscrit sur le visage, Charles. Il faut dire qu’il a une belle vie. Une grande maison, implantée dans l’un des quartiers les plus prisés de Chicaco, une femme ravissante avec qui il partage sa vie depuis plus d’une quinzaine d’années, et un travail de rêve qui lui rapporte bien plus d’argent que nécessaire. D’un point de vue extérieur, il mène une vie parfaite. Et lui, il laisse tout le monde croire qu’il est heureux. Pourtant, quand on regarde jusque dans le fond de ses yeux, ça ne voit qu’il ne l’est pas. Mais il ne dit rien, parce que ça lui a toujours paru plus simple de faire semblant, de se cacher derrière des phrases rassurantes et des sourires creux.

Sofia a 25 ans et jusqu’à aujourd’hui, elle pensait être née au sein de la famille idéale. Elle n’a jamais connu aucun autre schéma familial que celui-ci : un papa, une maman, un grand frère et une petite sœur. Les moments en famille, les longs dimanches à ne rien faire d’autre que rire, font partie de ses plus beaux souvenirs. Sa famille, c’est toute sa vie. Entre eux, il n’y a jamais eu de secret ou de mensonge. Du moins, c’est ce qu’ils plaisent à croire. Les parents aiment penser qu’ils ont su élever leurs trois enfants en leur inculquant de fortes valeurs comme l’honnêteté. Surtout la mère, pour qui la sincérité est primordiale. Sofia, elle trouve ça ironique. Parce qu’elle vient justement d’apprendre que cette même mère est la moins honnête de toute la famille, la moins vraie, la moins juste. Sofia, elle a été conçue en dehors du mariage qui unit ses parents. Son père biologique, ce n’est pas celui qui l’a élevée et aimée ces vingt-cinq dernières années. Et Sofia, elle ne sait pas comment gérer ça. Elle ne sait pas comment pardonner un tel mensonge, ni même comment réagir. Alors elle ment, elle aussi. À toute sa famille. C’est qu’elle n’a pas envie de briser et perdre la seule chose qui avait un minimum de sens dans sa vie.

La dernière saison de Stranger Things est sortie et Julia, elle a envie de passer sa soirée devant Netflix. Le problème, c’est qu’il y a cette grosse soirée à laquelle tous ses amis vont. Elle a promis de venir, elle aussi. Ça fait des semaines qu’ils s’y préparent, tous impatients à l’idée de pouvoir se lâcher sans la moindre retenue. Julia envisage pourtant d’annuler, pesant le pour et le contre jusqu’au dernier moment. Deux heures avant le début de soirée, elle se décide à balancer un message dans le groupe de conversation commun. Elle commence par s’excuser et invente une histoire à dormir debout. Elle prétend avoir vomi toute la journée, au point de ne pas pouvoir sortir de chez elle. Julia redoute déjà les réactions de ses amis, culpabilise brièvement quand les premières réponses viennent. Deux ou trois excuses plus tard, c’est une vague de soulagement qui s’empare d’elle. Elle va pouvoir rester chez elle et se consacrer à Netflix toute la soirée. De toute façon, personne ne viendra chez elle pour vérifier son état de santé.


La morale de l’histoire, c’est que tout le monde finit par mentir. Souvent pour sauver sa peau, parfois pour se donner l’illusion qu’on nage dans le bonheur.